Emballement médiatique

Le 24 avril, invité de Mathieu Vidard dans la Terre au carré, le « naturaliste et militant écologiste », ainsi qu'il est présenté dans l'émission, Pierre Rigaux, se livre à une attaque en règle contre le Comté, qualifié de « mauvais produit » sur le plan écologique. Et Pierre Rigaux de détailler, non seulement l’impact de l’épandage des déjections des vaches sur le sol karstique des plateaux du Jura, mais aussi le désastre que représente à ses yeux le fait d’élever des animaux pour leur lait, ce qui concerne au fond tous les produits laitiers et pas seulement le fromage emblématique de la Franche=Comté…

« Est-ce qu’on arrête de manger du fromage ? » demande alors le journaliste. Et le militant d’ajouter « si on ne peut même pas changer ça (le fait de manger du fromage) alors on est foutus ». Une position végétalienne, assez radicale, qui passe inaperçue.

Quelques jours plus tard, la machine médiatique s’emballe, suite à un article racoleur du Figaro Magazine, qui accuse « les écologistes » (et non UN écologiste) de vouloir « interdire le Comté ». BFM, RMC, Europe 1… on s’en donne à cœur joie « c’est la dictature », « ils sont complètement mabouls », « ce sont des Khmers verts »…

Sans attendre, la droite et l’extrême droite relaient avec gourmandise. Et le préfet du Jura, qui vient d’arriver et aurait du demander conseil à son homologue du Doubs, en rajoute une couche avec un tweet inattendu (restons courtois) pour un haut serviteur de l’Etat.

En Franche-Comté, on connaît bien ce dossier. On apprécie l’organisation singulière d’une filière qui a su s’organiser pour résister aux gros acteurs mondialisés de l’industrie laitière et garantir une juste rémunération du lait comme de la fabrication et de l’affinage du fromage. Le cahier des charges, qui engage tous les producteurs de la zone Comté (et qui nous est envié par bien d‘autres filières fromagères à travers la France) a été durci au fil du temps, plus pour éviter une surproduction qui risquerait d’entraîner mévente et stocks que pour limiter l’impact sur les sols karstiques il est vrai. Personne ne nie qu’il faudra mieux faire encore pour mettre un terme à la pollution des rivières par les épandages ou les rejets des fromageries. Mais à qui irions-nous faire croire que ça serait plus facile en appelant au boycott qu’en poursuivant le dialogue avec les paysans, les fromagers et le CIGC (Comité interprofessionnel de gestion du comté)  ? Les Écologistes de Franche-Comté n’ont pas leur langue dans la poche : ils manifestent pour la reconquête de la qualité des eaux de la Loue, luttent contre l’arrachage des haies, le retournement des pâtures et le passage des « casse-cailloux », en appellent à la justice quand c’est nécessaire. Et surtout, ils causent avec les paysans, les coopératives, les fruitières, les affineurs. Ah oui, j’allais oublier : comme tout le monde ici, ils mangent du Comté !